Japon Nagoya

Nagoya – Toyota et les Tokugawa

Il y a des villes qu’on visite sans trop savoir pourquoi, par une simple opportunité de passage. Et parfois, on tombe sur des endroits qui, sans faire de bruit, s’impriment durablement. Nagoya a été de ceux-là. Ni vertigineuse comme Tokyo, ni ouvertement séduisante comme Kyoto, elle nous a surpris. Voici un condensé de nos deux séjours dans cette ville industrielle inattendue, entre fin février et début mars, puis début mai.

Premier passage — Fin février en compagnie des parents du Castor

Osu Kannon et ruelles commerçantes

Après une longue route depuis Tokyo via Nagano (une traversée qui mériterait presque un article en soi rien que parce que le Castor s’est mangé une contravention inattendue), nous sommes arrivés à Nagoya en fin de journée, un peu fatigués mais curieux. Notre hôtel était situé dans le quartier de Sakae, dont nous reparlerons plus bas. Puisque nous sommes arrivés trop tard, nous n’avons pas pu faire le château et pour cette première soirée, nous avons décidé de nous dégourdir les jambes dans le quartier d’Osu, réputé pour son ambiance rétro et son dédale de ruelles commerçantes.

Les rideaux étaient déjà baissés sur la plupart des boutiques. Quelques enseignes restaient ouvertes, mais le quartier paraissait assoupi, comme si la journée était déjà bien loin. Cela ne nous a pas empêchés de faire une belle découverte : le temple Osu Kannon, au cœur du quartier. Son imposante façade rouge mériterait d’être revue de jour.

C’est aussi à Osu que nous avons mangé notre tout premier repas nagoyen : un katsudon absolument délicieux. Riz chaud, escalope de porc panée, œuf battu versé sur le riz, différentes sauces soja pour accompagner… Une cuisine simple et réconfortante, dans un restaurant lumineux. De quoi finir la journée sur une bonne note.

Château de Nagoya et sanctuaire d’Atsuta

Le lendemain matin, direction le château de Nagoya. Le site est en réfection — un vaste projet de reconstruction fidèle au bois d’origine du donjon, qui devrait durer encore quelques années (2027 en théorie) — mais une partie du complexe reste accessible : le palais Honmaru Goten, reconstruit à l’identique.

Et quelle merveille. On y entre après avoir retiré ses chaussures, ce qui permet une déambulation feutrée sur les tatamis. Les salles s’enchaînent dans un silence presque cérémoniel malgré le monde important en ce dimanche matin. Les parois sont recouvertes de feuilles d’or et de peintures traditionnelles représentant tigres, pins, bambous. Les plafonds eux-mêmes sont décorés. Ce n’est pas seulement une belle reconstitution : c’est un véritable bijou d’architecture, qui donne à voir la puissance du clan Tokugawa, jadis installé ici pour surveiller l’est du Japon.

Le jardin extérieur, bien qu’un peu nu en cette fin d’hiver, reste agréable à parcourir. On aperçoit les travaux en cours autour du donjon, et quelques panneaux expliquent les choix de restauration, très respectueux de la structure initiale. On aperçoit quelques jolis bambous et des fleurs de pruniers. Encore un peu tôt pour les cerisiers qui se promettent d’être nombreux. Il y a des maisons de thé avec des expositions dans le jardin.

L’après-midi, changement d’ambiance : cap sur le sanctuaire Atsuta Jingu, l’un des plus importants sanctuaires shintô du pays. Ici, tout est apaisement. On marche sous de grands arbres centenaires entourés de cordes (ce qui montre qu’ils sont vénérés), les pas absorbés par la terre battue, le vent jouant dans les feuilles. Le soleil nous réchauffe un peu, il ne pleut pas encore.

Le sanctuaire est vaste, et l’on sent, même sans tout comprendre des rites pratiqués, une certaine solennité dans l’air. Le lieu est réputé abriter l’un des trois trésors sacrés de l’empereur : l’épée Kusanagi (invisible aux visiteurs, bien entendu mais une réplique l’est). L’ensemble est très vert, presque forestier, et invite à la lenteur.

Nuit à Sakae : entre lumières et déchets qui volent

Ce quartier, réputé pour ses galeries commerciales, ses tours modernes et ses restaurants, nous a laissés avec une impression mitigée. Certains coins nous ont paru franchement glauques, voire douteux — ruelles sales, enseignes aux néons fatigués, quelques personnages au look interlope croisés à la nuit tombée. Une forme de Tokyo underground, mais sans le vernis branché. Si vous êtes habitués des lieux de débauche dans les autres pays, c’est le seul endroit à date où nous avons vu des vestiges de fête, vomi compris.

L’hôtel n’était pas à la hauteur, ce qui n’a pas aidé à équilibrer l’expérience. Si l’on devait retenir quelque chose de cette nuit-là, ce serait ce curieux sentiment d’être entre deux mondes : une ville proprette et discrète d’un côté, et de l’autre, un sous-texte un peu mafia, un peu désuet, difficile à cerner.

Nagoya nous a aussi semblé plus décontractée que Tokyo, tant dans l’attitude que dans les vêtements des gens croisés. Cela ne relève pas uniquement de notre ressenti : plusieurs observateurs relèvent le caractère plus informel des habitants de Nagoya, souvent considérés comme plus chaleureux, moins rigides que ceux de la capitale. Il y a aussi, à certains endroits, un mélange culturel plus affirmé, peut-être lié à l’histoire industrielle de la ville et à ses liens avec l’étranger.

Second passage — Quelques mois plus tard (mai 2025)

Pour notre deuxième séjour, nous avons opté pour un mode plus rapide : le Shinkansen, cette merveille de ponctualité et de silence, qui nous a déposés à Nagoya en environ 2h depuis Tokyo. C’était notre première expérience. Il pleuvait, donc nous n’avons pas pu voir le Mont Fuji depuis nos sièges. Le Castor a dormi pendant quasiment tout le trajet, le Lez’art a pu voir défiler les champs de thé, les rizières inondées et l’alternance entre ville et campagne.

Musée commémoratif de l’industrie et de la technologie Toyota

Après avoir eu un peu de mal à apprivoiser le métro de Nagoya, nous avons passé notre après-midi au Toyota Commemorative Museum of Industry and Technology, installé sur un ancien site de production textile de la marque. Et quelle visite.

Le Lez’art, féru d’ingénierie et de mécanismes, était conquis d’avance. Le Castor, un peu moins emballée au départ, a pourtant trouvé là un musée des plus intéressants.

Tout commence par un vaste espace consacré à l’origine de Toyota : non pas l’automobile, mais le textile, avec une démonstration en direct de vieux métiers à tisser, certains encore actionnés à la main, d’autres déjà semi-automatisés. Des explications claires (et traduites en anglais), des vidéos (qui fleurent parfois bon les années 2000 niveau mise en scène), et même des guides disponibles pour répondre aux questions et actionner les machines.

La visite continue avec un historique du tournant « automobile » de l’entreprise ainsi qu’un parcours complet du processus de fabrication automobile : de la fonderie à l’assemblage, en passant par la robotique, le soudage, la peinture… Des machines grandeur nature, souvent en fonctionnement, donnent un aperçu vivant de ce que signifie “industrie” à la japonaise. Quelques modèles emblématiques sont exposés, de la voiture familiale aux véhicules de sport ou expérimentaux. On apprend énormément, sans jamais s’ennuyer.

Une anguille plus tard

Pour rester dans la tradition locale, nous avons testé le fameux hitsumabushi, l’un des plats emblématiques de Nagoya : de l’anguille grillée, finement coupée, servie sur un lit de riz et à manger de trois manières différentes (nature, avec condiments, puis avec du thé ou bouillon versé dessus mais nous ne l’avons pas fait). C’est délicieux, raffiné et copieux.

Une nuit à Imaike

Cette fois-ci, nous avons dormi dans le quartier d’Imaike, très animé avec ses nombreux Pachinkos mais surtout, beaucoup plus agréable. L’hôtel était simple mais bien tenu, avec un petit-déjeuner surprenamment bon : buffet japonais et occidental, produits frais, ambiance détendue. Rien à voir avec notre première expérience hôtelière à Nagoya. Le Castor a aussi profité du Sentô de l’hôtel.

Notre seconde journée de visite était dévolue au Parc Ghibli pour lequel nous avons rédigé un article entier ici.

Nagoya n’est sans doute pas la ville qui fait rêver sur les brochures, mais elle a de réels atouts (le parc Ghibli bien sûr) et si comme nous vous cherchez à couper en deux la route vers Kyoto depuis Tokyo, c’est un arrêt qui vaut la peine.

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