Japon Nikko

Nikko, entre montagnes et temples

Quitter Tokyo un vendredi midi pour rejoindre les hauteurs de Nikkō, c’était promettre à nos deux accompagnatrices en provenance de France une plongée dans un Japon radicalement différent de celui des néons, des gares tentaculaires et du rythme urbain. Un Japon de forêts, de temples anciens, de brumes et de sources chaudes. Le programme prévoyait deux jours d’exploration, avec deux nuits à Yunishigawa Onsen.

Un départ sans encombre… puis la pluie

Nous avons loué une voiture pour prendre la route vers le nord. Sortir de Tokyo par l’autoroute a été étonnamment fluide, sans les embouteillages redoutés. La transition vers la campagne s’est faite en douceur, et nos accompagnatrices ont vu pour la première fois s’élever devant elles les reliefs boisés du Kantō. Les paysages sont devenus plus ouverts, plus agricoles, ponctués de champs et de serres, jusqu’à ce que la pluie commence à tomber, d’abord fine, puis persistante voire carrément violente, à ne plus s’entendre parler dans la voiture.

Après avoir dépassé Nikkō, la route s’est transformée en une succession de tunnels, percés dans une montagne étonnamment nue pour la saison. Contrairement aux forêts de résineux omniprésentes dans les Alpes françaises, les versants ici sont majoritairement peuplés de feuillus encore défeuillés ( alors qu’à Tokyo, les érables de la rue étaient déjà bien parés), ce qui donnait aux massifs un aspect gris-brun, presque fantomatique, accentué par la pluie.

AGEHA Inn Kanmu Heishi : un ryokan haut en couleur

Nous avons contourné la ville de Nikkō pour atteindre Yunishigawa Onsen, un hameau thermal discret, blotti dans la vallée. Le Lez’art, retenu à Tokyo jusqu’au soir, nous a rejoints plus tard par le train. Il fallait en effet arriver avant 18h pour l’enregistrement au ryokan et accéder au repas.

L’AGEHA Inn Kanmu Heishi est un établissement à part. Dès l’entrée, l’impression de pénétrer dans un monde parallèle s’est imposée. L’intérieur est un festival : des armures de samurais aux oiseaux empaillés, en passant par les bambous et les pierres…

On attrape de beaux yukatas et on se dirige vers la chambre.

Pour un ryokan, c’est classique : un bel espace à tatamis, avec des futons qui seront installés pendant que l’on prend le repas du soir, des édredons immenses qui nous attendent pour la nuit, une table basse et un coin thé. On nous a servi, selon la coutume, un thé (cette fois aux prunes et salé) accompagné de wagashis raffinés, petites douceurs à base de pâte de sésame et de farine de riz. Cette hospitalité cérémonieuse est toujours aussi agréable.

Le Castor a ensuite repris la voiture, seule, pour descendre à Shin-Fujiwara Onsen et récupérer le Lez’art, arrivé en train. Une surprise l’attendait : une portion de la route s’est révélée musicale. Grâce à des rainures taillées dans l’asphalte, la chaussée elle-même joue une mélodie – audible uniquement à la bonne vitesse (ici 60km/h). Une facétie technique qui transforme une conduite nocturne en expérience.

Nous avons rejoint le ryokan vers 19h25. Le buffet du soir fermait à 20h, et l’accueil a été pressant : il ne restait que peu de plats, et on nous a clairement fait comprendre qu’il faudrait dîner vite. Malgré cela, nous avons pu goûter à plusieurs mets régionaux, nottament des peaux de lait de soja qui sont la spécialité . Heureusement, nos accompagnatrices de France avaient pu manger plus tranquillement en nous attendant.

Ryūōkyō Canyon : gorges silencieuses et salamandres cachées

Après une nuit réparatrice dans silence de la vallée, nous avons profité d’un petit-déjeuner buffet copieux. En plein jour, la vue depuis le lobby dévoilait un paysage de montagne encore figé dans l’entre-saison.

Notre destination matinale fut le Ryūōkyō Canyon, site naturel de gorges étroites sculptées par la rivière Kinugawa. En descendant vers le canyon, nous avons marqué plusieurs arrêts, attirés par les panoramas, un barrage encaissé en profitant de la belle météo du jour.

La promenade à travers les gorges nous a menés au sanctuaire Goryuo, posé sur un promontoire rocheux, puis à la chute Nijimi, où l’eau glisse en nappes sur les dalles volcaniques. Le pont suspendu de Nijimi offre une perspective vertigineuse sur la gorge. Nous avons continué un peu la promenade, jusqu’à une avancée rocheuse bordée de pinèdes, . Entre temps un promeneur attentif a attiré notre attention sur plusieurs salamandres immobiles dans l’eau froide ainsi que leurs oeufs– créatures discrètes qu’on n’aurait jamais su repérer seuls.

Après cette petite promenade, nous avons décidé de nous restaurer. Restaurant modeste par l’apparence mais délicieux dans l’assiette. Le Castor a dégusté des tempuras croustillantes de légumes et champignons de montagne, nos accompagnatrices ont opté pour des ramen fumants, tandis que le Lez’art a goûté un poisson grillé sur brochette – appelé « poisson doux » par les hasardeuses traductions automatiques de google. Un festin simple et authentique, servi avec bienveillance, pour à peine 7600 yens à quatre.

Dans la boutique attenante, les propriétaires nous ont offert du thé vert et une infusion aux fleurs de sakura. Leurs céramiques, fines et délicates, nous ont conquis : nous sommes repartis avec une théière roulante, initialement prévue pour les tisanes mais désormais consacrée au sencha et au hojicha.

Montagne, singes et bain au clair de lune

La suite de l’après-midi fut consacré à la découverte des petites routes de montagne. Nous avons traversé des villages reculés, longé des torrents à moitié enneigés, et croisé quelques névés accrochés aux pentes. Le point de vue sur Setoaikyō Canyon nous a offert une halte contemplative, suspendue entre reste de neige et lumière. Sur le retour, nous avons eu la chance de voir sur le bord de la route des singes qui s’étaient arrêtés pour manger.

Le dîner du soir au ryokan, cette fois pris sans pression, a été un plaisir.

La soirée fut marquée par un moment rare : le Castor a pris son courage à deux mains et a affronté, pour la première fois, le onsen public. Après une douche appliquée, l’immersion dans le bassin intérieur puis celui extérieur bordé de pierres et ouvert sur la forêt noire, fut une révélation. Le bain privé du ryokan, lui aussi en extérieur, nous attendait ensuite. À la surface de l’eau chaude, le reflet de la pleine lune illuminait les cimes silencieuses. C’était un instant suspendu et cela reste un très beau souvenir..

Nikkō : temples légendaires et pluie tenace (on a quand même pas mal visité le Japon sous la pluie, en fait)

Le dimanche, après un dernier petit-déjeuner, nous avons pris la direction de Nikkō sous une pluie battante. Les paysages agricoles défilaient à travers les vitres embuées : rizières en terrasses, serres de fraises, hameaux paisibles.

Le pont rouge Shinkyō, emblématique de la ville, se dressait sous les gouttes comme une passerelle vers un autre monde. Il marque l’entrée spirituelle du complexe religieux classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Nous avons commencé par le Rinnō-ji Sanbutsudō, temple bouddhique fondé au VIIIᵉ siècle par le moine Shōdō Shōnin. Le grand hall abrite trois statues imposantes représentant Amida, Senju Kannon et Batō Kannon – divinités protectrices de la région.

Puis ce fut le choc esthétique du Tōshō-gū, mausolée de Tokugawa Ieyasu. Construit au XVIIᵉ siècle, il incarne la richesse décorative du style gongen-zukuri : bois laqués, or fin, reliefs polychromes. Même trempés, frigorifiés, et parfois contraints d’enlever nos chaussures alors qu’il faisait humide, nous avons été saisis par la beauté du lieu. La montée jusqu’au tombeau de Ieyasu, sur les hauteurs du sanctuaire, s’est faite dans la bruine. C’est un petit effort de monter là haut, on a arrêté de compter les marches.

Pour le déjeuner, nous avons choisi le Sannai Shokudo – Kissa Suiran,. Nous avons eu la surprise d’y voir des photographies et dédicaces de Jacques Chirac qui y avait déjeuné en 1998. Quand on est français, c’est un peu drôle à voir.Le curry katsu, épais et parfaitement épicé, a permis de réconforter pour un temps au milieu de cette humidité..

L’après-midi s’est poursuivi au Taiyū-in Reibyō, mausolée de Tokugawa Iemitsu. Moins fréquenté que le Tōshō-gū, plus sobre dans son agencement, ce sanctuaire est traversé de longues allées bordées de lanternes, et entouré de cèdres gigantesques. Ces arbres imposants luisant de pluie donnent à ces lieux une forme de spiritualité et nous appaisent.

Nous avons ensuite rejoint la partie libre du Futarasan-jinja, sanctuaire fondé au VIIIᵉ siècle. Une section y est consacrée aux Sept Dieux de la Chance, que le Castor affectionne depuis une exposition à Lyon et qu’elle ne cesse de chercher ou de trouver par hasard comme dans les rues de Kashima. Mais, trempés jusqu’aux os et pressés par la lassitude croissante de l’une de nos accompagnatrices épuisée d’être trempée depuis le matin, nous n’avons pas pu explorer cette partie. Nous reviendrons, c’est pas si loin.

Budget indicatif pour 4 personnes

DépenseMontant en ¥Montant en € (≈)
Ryokan (2 nuits à AGEHA Inn)56 000 ¥340 €
Train Tokyo-Nikkō (Lez’art)
aller simple
1 800 ¥11 €
Restaurant Ryūōkyō Canyon7 600 ¥46 €
Restaurant Chirac (Nikkō)4 600 ¥28 €
Entrées temples (Tōshō-gū, Taiyū-in…)5 000 ¥ env.30 €
Goshuin (carnets de calligraphie)2 000 ¥ (500yen par  goshuin)12 €

Total 77 000 ¥ → environ 467 € pour quatre personnes
Par personne environ 117 € pour trois jours, auxquels il faut ajouter la location de la voiture, le péage et l’essence depuis Tokyo, qui sont variables.

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